Qu'est-ce que l’Etat-Prévoyance ?

L’État-prévoyance désigne une proposition de modèle social pour remplacer l'actuel État-providence, lequel est en déclin – voire moribond et mortifère.

Ce nouveau modèle social vise à garantir à chaque citoyen ses droits fondamentaux ainsi qu’un solide socle de solidarité. Au-delà, chacun serait incité à travailler pour, librement, construire son avenir.

Cette proposition est originale et relativement isolée. Entre le maintien d’un État-providence à la dérive ou, à l’opposé, son resserrement au strict minimum au profit d’un espace privé dérégulé, peu (voire pas) de propositions – et peu (voire pas) de débat sur le sujet d’ailleurs. L’État-prévoyance se situe à mi-chemin : il permet que l’État conserve des interventions économiques et sociales mais en garantissant leur soutenabilité financière et sociale.

L’État-prévoyance se définit par rapport à l‘État-providence, qu’il est appelé à relayer

L’État-providence hypertrophié présente aujourd'hui trois caractéristiques :

Ces trois particularités sont à l’origine des insuffisances du modèle et de leurs lourdes conséquences.

L’État-prévoyance que nous proposons pour prendre le relais de l’État-providence procède d’un retournement de ces trois éléments constitutifs

Ainsi, là où l’État-providence tend à agir seul, l’État-prévoyance opère une clarification des périmètres respectivement confiés à l’État, aux acteurs privés et à la société civile et ce, selon un légitime partage des rôles et des responsabilités.

Là où, au nom du « bien-être » des citoyens, l’État-providence place sur le même plan revenus du travail et revenus de remplacement, l’État-prévoyance valorise le travail, véritable levier de la protection de tous et de chacun et ce, sans méconnaître dans le même temps les revenus tirés du capital.

Là où l’État-providence légifère sur tout et partout, l’État-prévoyance restaure la loi dans son rôle premier, celui de fixer le cadre général fondé sur des principes fondamentaux, et réhabilite le contrat en qualité d’outil de régulation des relations économiques et sociales.

Clarifier les périmètres, valoriser le travail, réhabiliter le contrat sont les trois axes directeurs de l’État-prévoyance.

Chaque composante de l’État social (protection sociale, politique du logement, éducation…) pourrait ainsi être revisitée à l’aune de ce triple axe, à l’instar de l’ADN qui s’exprime dans toutes les cellules d’un être vivant, le chantier prioritaire et déterminant étant celui de la protection sociale qui en constitue le cœur.

L’État-prévoyance façonne une société solidaire, autonome et responsable

Dans l’État-prévoyance, État et agents privés coopèrent, chacun dans des domaines exclusifs. Définir des aires d’intervention distinctes, claires et sécurisées permet de favoriser l’initiative et d’améliorer les actions de chacun.

Ainsi, outre ses fonctions régaliennes, l’État met en œuvre le projet de société proposé par le Politique. Il définit le cadre général, i.e. les principes essentiels et les garanties indispensables à la sécurité économique et à la santé de tous les membres de collectivité nationale. Il est également le garant de la solidarité nationale tout en définissant les normes nécessaires à la régulation économique et sociale. Mais il peut, pour ce faire, s’appuyer sur des acteurs privés autonomes et responsables. Il ne s’agit pas pour l’État de se défausser : il délègue et donc, contrôle.

Les acteurs recouvrent de l’autonomie dans la place libérée par la puissance publique et qui lui revient légitimement. Dans cet espace, ils construisent leur avenir, de façon collective et/ou individuelle, avec le garde-fou de la loi.

Si l’entreprise crée de la richesse et de l’emploi, elle contribue également à la solidarité nationale, notamment via l’impôt. C’est dans le cadre préalablement défini par la loi que l’entreprise contribue activement à la protection sociale de ses collaborateurs.

Le citoyen quant à lui, travaille ! Entre autres activités. Et à ce titre, il contribue lui aussi à la solidarité nationale via le paiement de l'impôt. Il s'organise éventuellement en collectif pour mutualiser ses protections, et notamment sa protection sociale. Il construit librement son avenir, vote, contribue à l'intérêt général. Dans l’État-prévoyance les citoyens doivent être lucides (prévoyants), proactifs, entreprenants, confiant, et libres.

Dans l’État-prévoyance, le travail, parce qu’il est déterminant du fonctionnement serein d’une société, est central. Il est la condition de la liberté individuelle, le levier de l’autonomie et de la responsabilité associée.

Là où l’État-providence s’est construit sur le salariat pour envisager une protection (le statut), l’État-prévoyance s’intéresse au travail en tant que tel, source constitutive par lui-même d’une première protection. Il invite à s’y intéresser sérieusement : sa substance, son contenu, ses conditions, la personne même du travailleur, ses innovations et plus largement tous les mouvements qui le touchent à l’aune de ces dimensions.

Corrélativement, la loi et le règlement doivent dès lors accorder une place aux contrats largement entendus. Outil juridique idoine, le contrat est non seulement l’instrument de l’expression de la volonté d’agir attendu par les personnes privées, mais il est également le moyen d’appréhender au plus près la diversité des besoins et des risques émergents. En deux mots, la réhabilitation des relations conventionnelles est aussi légitime que nécessaire.

Un modèle social équilibré

Sur le plan théorique, l’État-prévoyance emprunte une voie étroite entre l’approche purement « utilitariste » (celle qui, au nom d’une nécessaire efficacité économique, néglige les objectifs fondamentaux de l’État social), l’approche « utopiste » (celle qui, au nom d’idéaux strictement sociaux ou humanistes, nie l’importance de la question des moyens) et l’approche « conservatrice » (celle qui au nom de la défense d’intérêts particuliers) donne la priorité à des politiques et des institutions qui ont perdu de leur pertinence face à l’émergence de nouveaux enjeux).

L’État-prévoyance est un modèle alternatif situé à mi-chemin entre le « tout universel » et le « tout individuel ». Il emprunte à chacun des modèles, pour parvenir à un juste équilibre. L'État se concentre sur ce qui relève de sa fonction première mais, s'inspirant en partie du modèle providentiel, il conserverait néanmoins les interventions économiques et sociales : celles qui constituent un socle de solidarité santé et protection économique.

La maîtrise des coûts n’est pas une fin mais un moyen, sans lequel la garantie des droits est illusoire et la solidarité, une chimère.

Au bout du bout, choisir de maintenir un État social, c'est choisir un modèle qui soutient les citoyens confrontés aux crises et aux chocs, qui favorise la création d'emplois de qualité, qui investit dans la santé et l'éducation et qui protège les plus faibles. C'est chercher à consolider rien de moins que la cohésion sociale. Encore faut-il que ces actions de régulation, d'allocation et de redistribution soient fondées, articulées et finement pilotées. C’est l’objet du modèle (concept) proposé.

Pourquoi faire advenir l’État-prévoyance ?

L’objectif de l’État-prévoyance est simple, et tient en quelques lignes : façonner des interventions économiques et sociales qui soient efficaces (i.e. qui luttent véritablement contre l’exclusion, la pauvreté et les inégalités), durables (i.e. sans creuser la dette sociale et en équilibrant les compte publics), profitables à toutes et tous (notamment par l’octroi d’une ressource universelle (forme de « revenu universel » pour faire face aux aléas de la vie), favorables à l’égalité des chances et incitatives au travail sous toutes ses formes (salariat, travail indépendant).

L’État-prévoyance est un nouveau contrat social : la solidarité est toujours centrale, et elle est financée. Au-delà, chacun est invité à profiter de son autonomie et à travailler pour améliorer son niveau de vie et ses perspectives.

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