Décoder le modèle social : 12 mots clés pour tout comprendre
Un modèle social constitue un pilier fondamental du bien-être collectif d’une société. Mais derrière cette notion se cache un ensemble de concepts, parfois complexes, qu’il est essentiel de comprendre pour appréhender les mécanismes de solidarité et de protection qui structurent notre quotidien. Qu’est-ce qu’un modèle social ? Qu’est-ce que l’État-providence ? Comment définir la protection sociale ? La solidarité ? Ce glossaire des termes clés d’un modèle social présente les définitions claires et concises des principaux mots à connaître en la matière.
1. Modèle social
On appelle « modèle social » l’ensemble des institutions et des lois qui permettent à un État d’organiser les relations sociales dans un pays. Cela inclut la solidarité nationale et la protection sociale, le principe d’égalité des chances, la régulation du marché du travail, l’éducation, le système de retraites, etc.
Un modèle social vise à réduire les inégalités sociales et à garantir un niveau de vie décent pour tous. En Europe, le modèle social repose généralement sur des principes tels que la justice sociale, la solidarité et l’accès universel à des services essentiels comme la santé ou l’éducation.
Il existe plusieurs types de modèles sociaux, dans lesquels l’intervention de l’État est plus ou moins marquée et où la protection sociale dépend plus ou moins largement de l’initiative privée.
2. État-providence
Le modèle social français est plus connu sous le nom d’État-providence.
L’État-providence est une expression courante qui n'est pourtant pas si évidente.
Le terme générique est État social. L’utilisation du mot « providence » pour désigner le modèle français n’est pas neutre : il donne une idée de l’ampleur de l’intervention de l’État, sinon de sa nature – quasi divine.
Selon le dictionnaire Le Robert, l’État-providence est
« une forme d’État qui intervient activement dans les domaines social et économique en vue d’assurer des prestations aux citoyens ».
Le site internet d'information des citoyens (www.service-public.fr édité par la Direction de l’information légale et administrative (Dila)) définit l’État-providence en l’opposant à « l’État-gendarme qui limite l'action de l'état aux fonctions régaliennes (justice, police, défense, monnaie).»
« En France, l’État-providence est né avec la Sécurité sociale en 1945. Le système français de protection sociale vise à prémunir la population contre les risques sociaux (santé, vieillesse, famille, emploi, logement, pauvreté, exclusion sociale, dépendance). L’État-providence traverse une crise depuis les années 70. »
Selon un ouvrage scolaire d’enseignement de l’économie,
l’État-providence « est une forme d’État-social, entendu comme l’ensemble des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour assurer les droits sociaux de la population. On distingue souvent trois grands systèmes d’État-social : l’un assurantiel, qui repose sur le prélèvement de cotisations sociales obligatoires sur les salaires permettant de financer des prestations sociales ; un autre universel, financé par l’impôt et dont tous les citoyens bénéficient des prestations ; et enfin, un système assistanciel, financé par l’impôt mais dont les dépenses sont ciblées sur les plus nécessiteux. Dans la pratique, on retrouve en général ces trois principes mêlés dans un même système. »
Ces définitions « grand public » ne sont pas pleinement satisfaisantes. Comme le soulignent Mathieu Lefebvre et Pierre Pestieau, « On comprend ce que ce concept signifie lorsque l’on en observe un. » (M. Lefebvre et P. Pestieau, L’État-providence. Défense et illustration, PUF, 2017.)
En outre, les descriptions qui en sont faites ne sont pas exactes car le propre d’un État-social est d’être en mouvement constant. Elles correspondent à une photographie prise à un « instant T », que l’on tente alors d’analyser. L’État-social façonne le contexte économique, social, sociétal et culturel, autant qu’il est façonné par celui-ci.
Au demeurant, le citoyen n’a pas besoin de connaître la définition de l’État-providence pour le reconnaître : il en bénéficie ou l’expérimente chaque jour, soit qu’il reçoive des prestations ou mobilise des interventions, soit qu’il contribue, notamment par son travail, à son financement.
Matériellement, l’État-providence admet deux conceptions.
➡ Au sens large, il vise l’ensemble des interventions économiques et sociales de l’État (éducation, logement, culture, santé, etc.). C’est l’acception généralement connue du citoyen.
➡ Dans un sens plus restreint, il vise uniquement l’intervention de l’État dans le domaine social, notamment via un système de protection sociale qui vise à assurer un niveau minimal de bien-être à la population. Cette « sous-partie » de l’État-providence (santé, retraite, allocations familiales, chômage, aides sociales) renvoie à des dispositifs techniques, en partie abandonnés à des experts et qui échappent largement au citoyen (une sorte de boîte noire).

3. État-prévoyance
L’État-prévoyance est le nom donné au modèle social alternatif que nous proposons. Il n’a pas (pas encore) d’entrée dans Le Robert.
La formule choisie résonne avec celle d’État-providence qu’il est proposé de remplacer. On maintient le terme « État » car le modèle social envisagé conserve le principe d’interventions économiques et sociales pilotées par la puissance publique.
Le mot « prévoyance » est synonyme d’attention, de circonspection, de prudence, de soin, de prévision, de précaution, de perspicacité, de diligence, de sagesse. Autant de qualificatifs du comportement qu’il serait souhaitable d’adopter aujourd’hui pour conserver un modèle social qui garantisse réellement les droits fondamentaux de chaque citoyen. L’ampleur des risques économiques et sociaux auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés doit nous inviter à anticiper les conséquences de leur éventuelle survenance par l’adoption de comportements raisonnés, d’une part, pour prévenir et anticiper, par l’édification de protection qui seront sollicités à bon escient, avec « tact et mesure », d’autre part. L’efficace protection de tous et de chacun suppose la responsabilité de tous et de chacun.
Par ailleurs, au sens étroit, le mot prévoyance vise les techniques assurantielles permettant de couvrir les risques sociaux en cas d’arrêt de travail. Régie par la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite loi EVIN, la prévoyance regroupe « les opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ou du risque chômage ».
Enfin, le mot prévoyance rime avec celui de providence. Cette symétrie permet de comprendre qu’il s’agit de glisser d’un modèle à un autre et non, comme il est parfois redouté, « de détruire notre trésor national ».
Si nous devions proposer une définition digne d’un dictionnaire pour le terme d’État-prévoyance :
1. L’État-prévoyance est un État responsable qui anticipe et garantit les droits fondamentaux des citoyens, qui libère l’initiative et incite les acteurs à travailler pour construire leur avenir, dans le respect de la loi. Dans l’État-prévoyance, l’État se concentre sur l’essentiel, garantissant un socle solide, sur lequel les citoyens sont libres de construire individuellement et collectivement leur avenir.
2. Dans l’État-prévoyance, le système de protection sociale garantit effectivement aux citoyens la santé et des moyens convenables d’existence et ce, en mobilisant l’État ou les acteurs privés selon la nature des risques considérés. Les acteurs privés s’organisent (via contrat) pour garantir les risques liés à leurs choix de vie personnels et professionnels. Par leur travail, ils augmentent leur niveau de vie et la qualité de leur protection sociale. Si l’État-prévoyance succède à l’État-providence, il permet d’envisager avec confiance et solidarité les défis que l’avenir lui réserve.
4. Sécurité sociale
La Sécurité sociale (dite familièrement la « Sécu ») est l’institution qui, organisée par l’État à partir de 1945, constitue un véritable service public dont l’objet est de gérer une partie de la protection sociale. La Sécurité sociale est l’organe ; la sécurité sociale / protection sociale est la fonction.
5. Protection sociale ou sécurité sociale
La protection sociale est l’ensemble des règles définies par la loi visant à la protection des intérêts économiques et sociaux des personnes en considération des aléas de la vie. Le terme « protection sociale » s’est progressivement substitué à celui de « sécurité sociale ».
La sécurité sociale vise à protéger les citoyens contre les risques majeurs de la vie : maladie, accident, maternité, chômage, vieillesse et invalidité.
En France, elle est organisée en plusieurs branches :
- Maladie.
- Famille.
- Retraite.
- Accidents du travail et maladies professionnelles.
Ce système repose sur un principe contributif : les cotisations sociales des travailleurs et des entreprises financent les prestations.
6. Organismes de protection sociale
Les organismes de protection sociale sont tous les organismes autres que ceux de la Sécurité sociale, susceptibles d’intervenir pour garantir techniquement et financièrement les engagements pris au titre de la protection sociale. Juridiquement, ils prennent la forme d’institutions de prévoyance, de mutuelles, de sociétés d’assurance, de caisses (de sécurité sociale, de retraite complémentaire…).
Ces organismes fonctionnent souvent de manière décentralisée et veillent à une gestion rigoureuse et équitable des fonds alloués.
7. Gestion solidaire et gestion mutualisée
La gestion solidaire est un dispositif de couverture des garanties de protection sociale reposant sur l’impôt sans considération de la valeur individualisée du risque.
La gestion mutualisée est un dispositif de couverture des garanties de protection sociale reposant sur le partage du risque au sein d’un périmètre défini d’appréciation de sa valeur technique.
Ces deux types de gestion sont fondés sur la participation collective des membres à la gestion des ressources et des risques. Ce principe est au cœur des systèmes mutualistes et de l’assurance sociale : chaque membre contribue selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. Ce modèle repose sur une logique de solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle, favorisant la redistribution et l’entraide.
8. Garantie et prestation
La garantie est le mécanisme qui permet de compenser économiquement ou matériellement les conséquences de la réalisation du risque.
La prestation est la compensation économique ou matérielle à laquelle ouvre droit la garantie. Elle est fournie par un organisme social (comme une allocation chômage ou une pension de retraite). Les prestations peuvent être financières ou en nature (exemple : remboursement de soins).
9. Solidarité
La solidarité est une valeur fondamentale du modèle social, définissant les liens de responsabilité mutuelle entre les membres d’une société. Elle s’exprime par des mécanismes de redistribution qui permettent aux plus vulnérables de bénéficier d’un soutien financier, matériel ou moral. Cette notion se retrouve dans de nombreux dispositifs, comme les aides sociales ou la prise en charge des soins de santé.
10. Aides sociales
Les aides sociales désignent les prestations non contributives financées par l’impôt, destinées aux personnes en situation de précarité. Ces aides peuvent prendre plusieurs formes :
- Allocations : RSA, allocation logement, allocation aux adultes handicapés (AAH)...
- Aides en nature : hébergement d’urgence, distribution alimentaire...
Le but de ces aides est d’assurer une protection minimale et d’éviter l’exclusion sociale.
11. Cotisations sociales
Les cotisations sociales sont des prélèvements obligatoires effectués sur les salaires pour financer la sécurité sociale et les régimes d’assurances sociales. Ces cotisations sont partagées entre l’employeur et le salarié, mais elles peuvent aussi inclure des contributions des travailleurs indépendants. Elles illustrent le principe de solidarité contributive.
12. Justice sociale
La justice sociale est un principe qui vise à garantir une répartition équitable des ressources et des opportunités au sein d’une société. Elle constitue la pierre angulaire du modèle social, assurant que chacun puisse vivre dans la dignité, indépendamment de ses origines ou de ses conditions économiques.
Ce glossaire des termes clés d’un modèle social met en lumière les fondements et les valeurs qui structurent notre vivre-ensemble. Comprendre ces notions est essentiel pour saisir l’importance des mécanismes de solidarité et des dispositifs de protection qui œuvrent chaque jour à réduire les inégalités et à renforcer la cohésion sociale. Alors que les débats sur l’avenir du modèle social s’intensifient, ces termes rappellent les principes universels qui guident nos sociétés.