A qui profite l'État-Prévoyance ?
A qui profite l’État-prévoyance ? A tous en général et à chacun en particulier ! Cette réponse est volontairement un peu courte. Toute réforme crédible a ses perdants. L’enjeu est de concevoir une réforme qui soit globalement profitable au plus grand nombre et de réfléchir aux compensations à proposer à ceux qui subiraient un préjudice.
L’État-prévoyance a été imaginé pour remédier aux maux de l’État-providence, lesquels pèsent de plus en plus lourdement sur la société en général (devenue léthargique et droguée à la dépense publique) et pénalisent de plus en plus de personnes en particulier (celles qui ont le sentiment de travailler et de payer toujours plus pour les autres, comme celles qui sont dans le besoin mais ne perçoivent pas les aides auxquelles elles peuvent prétendre).
Dans cet article, nous rappelons dans un premier temps la nécessité de construire nouvel équilibre social, puis étayons les bénéfices généraux du modèle d’État-prévoyance. Dans une dernière partie, nous sélectionnons des profils de population et examinons très concrètement l’impact du nouveau modèle sur leur vie.
De la nécessité d’un équilibre globalement bénéfique
Qu’ils soient nouveaux ou déjà connus, les aléas que nous subissons aujourd’hui se caractérisent par leur puissance. Nos besoins sont de plus en plus coûteux. Ce contexte impose un mouvement parallèle consistant d’un côté à renforcer la solidarité (l’effort de tous au profit de certains, par exemple face à une grave maladie qui nécessite un traitement inaccessible au commun des mortels), de l’autre à inciter chaque personne à prendre des initiatives, notamment travailler plus pour générer davantage de richesse et anticiper les conséquences personnelles et professionnelles de ses choix de vie.
La société dans son ensemble a tout à gagner au déploiement de ce nouvel équilibre lequel tend tout à la fois à renforcer la cohésion sociale et à entraîner l’économie du pays.
Au boulot !
Si aujourd’hui, cette société civile souffre d’une forme de passivité, voire d’aversion au risque, face à l’État-Moloch dont elle attend tout, demain, l’État-prévoyance s’appuierait sur une société civile pro-active, dynamique, entrepreneuse, oxygénée. Une société avec la capacité et l’envie de « faire » davantage, l’action et la participation étant des leviers d’insertion dans la société et le ciment de sa cohésion.
Une dépense = une recette
De même, si aujourd’hui, le pays voit sa dette s’envoler au détriment d’investissements d’avenir existentiels, demain, l’État serait contraint de maîtriser sa dépense sociale dont, par ailleurs, le domaine serait cantonné.
Faire moins mais vraiment bien. Une dépense = une recette. Cette capacité nouvelle de pilotage permettrait à la puissance publique de redéployer les ressources nécessaires sur d’autres champs tout aussi cruciaux comme de son territoire, la protection de sa souveraineté, l’innovation ou la transition climatique, au bénéfice de la collectivité nationale. Les priorités ne manquent pas !
Les bénéfices individuels et collectifs de l’État-prévoyance
L’État-prévoyance est un concept, une matrice intellectuelle permettant d’orienter les interventions économiques et sociales de l’État. Il renvoie aussi, au sens étroit du terme, au système de protection sociale, lequel doit être refondu à l’aune de ces nouveaux axes directeurs.
Cette refonte du système de protection sociale présenterait de nombreux avantages.
Rappelons d’abord en quelques mots ce dont il s’agit. Cette réforme consiste à distinguer la garantie des risques universels (susceptibles de toucher n’importe quelle personne indépendamment de ses choix de vie) de la garantie des risques particuliers (résultant de décisions personnelles). La première relève de la responsabilité de l’État (expression et instrument de la solidarité nationale). La seconde relève de la responsabilité de chacun.
La Sécurité sociale aurait ainsi la charge de garantir la santé (Protection maladie universelle) et des moyens convenables d’existence (Protection universelle risque économique). Concrètement, chaque personne aurait accès aux soins et serait protégée de la grande pauvreté par le versement d’une ressource de solidarité. Cette ressource de solidarité serait versée à toute personne majeure résidant sur le territoire national, se substituerait à toutes les prestations sociales et de sécurité sociale et serait cumulable avec des revenus.
Ceci rappelé, voici les avantages espérés.
Les bénéfices de la solidarité et de l’autonomie
Là où, en cas de pépin, l’État-providence intervient de façon plus ou moins forte et plus ou moins aléatoire après la réalisation d’un dommage (système infantilisant, conditionnel et opaque), l’État-prévoyance, en instaurant cette ressource de solidarité, garantirait à chacun un filet de sécurité pour le protéger et le soutenir en cas d’accident de la vie, tout en le laissant libre de ses choix. Il serait de la responsabilité de chacun d’être prévoyant dans l’administration de cette ressource.
Par ailleurs, chaque personne serait incitée à anticiper les conséquences de ses choix personnels et professionnels en souscrivant des garanties mutualisées. Cette solidarité sur un périmètre choisi, plus restreint que celui de la collectivité nationale, permet de tenir compte de la diversité des options et des aspirations individuelles. Cette tendance sociétale forte est ainsi intégrée, sans pour autant écarter la nécessaire participation à l’effort collectif national.
Les bénéfices de la simplification et de la transparence
Là où l’État-providence est illisible (conduisant à des situations de non-recours, des comportements de passagers clandestins ou nourrissant des fantasmes sur les droits de chacun et, in fine, la défiance), les fondements et les moyens de l’État-prévoyance sont connus de tous, ce qui favorise naturellement l’adhésion de chacun au dispositif de cohésion sociale.
Les bénéfices de l’incitation au travail
Le principe de cumul de la ressource de solidarité avec des revenus d’activité incite chacun à exercer une activité professionnelle et favorise notamment les travailleurs pauvres, souvent laissés pour compte dans le système actuel. En ce sens, l’État-prévoyance rompt avec l’État-providence, lequel considère comme équivalents les revenus issus du travail et de l’assistance. En outre, l’allégement des charges qui pèsent sur l’entreprise améliorerait leur compétitivité et leur permettrait de rendre du pouvoir d’achat aux salariés.
Les bénéfices du caractère individuel de la ressource de solidarité
Le fait que la ressource de solidarité soit versée à chaque personne favorise la stabilité des cellules familiales et plus généralement la mutualisation (du logement notamment). L’État-prévoyance pourrait ainsi peser sur un des leviers disponibles pour favoriser l’essor démographique.
Les bénéfices du changement de la réorientation des circuits redistributifs.
Là où, dans l’État-providence, les politiques ciblent massivement et de plus en plus exclusivement la part la plus pauvre de la population, laquelle cumule des aides sociales tout en se trouvant condamnée à l’assistance, l’État-prévoyance redistribue principalement en direction des classes moyennes (travailleurs de première ligne) et des travailleurs pauvres.
Projection des avantages de l’État-prévoyance sur quelques profils type
Le travailleur pauvre. Le travailleur « rattrapé par le smic ». Gagnant.
Aujourd’hui , ce travailleur gagne trop peu pour accéder au confort de vie auquel il aspire mais beaucoup trop pour bénéficier d’aides de l’Etat. Il contribue au système (prélèvements obligatoires sur ses revenus) mais n’en bénéficie pas ou peu.
En outre, les aides sociales dont cette personne bénéficierait sont suspendues s’il décide de travailler quelques heures de plus.
Demain , ce travailleur pourra cumuler la ressource de solidarité avec son salaire. On ne pourra plus dire qu’en France, on peut vivre sans travailler. C’est par son travail que chaque personne pourra améliorer sa situation et sa protection.
L’étudiant. Gagnant.
Aujourd’hui les étudiants sont dépendants de leur famille. Ceux qui sont aidés par la puissance publique sont de moins en moins nombreux.
Demain , l’étudiant recevra une ressource de solidarité qui lui permettra de poursuivre ses études sans sombrer dans la grande pauvreté et qu’il pourra cumuler avec des revenus d’une activité professionnelle menée parallèlement.
La personne isolée et sans ressource. Perdante.
Aujourd’hui , cette personne peut cumuler des aides.
Demain , cette personne percevra la ressource de solidarité dont le montant (600 euros) pourrait être inférieur à celui de la somme des aides qu’elle peut percevoir de l’État-providence. Il sera de sa responsabilité de travailler pour cumuler des revenus avec la ressource de solidarité.
La famille nombreuse avec de faibles revenus. Gagnante.
Aujourd’hui ces familles supportent des charges importantes et peu ou pas d’aides sociales en raison de leurs revenus du travail dont le montant peut être inférieur à la somme des aides qu’elles pourraient percevoir si elles n’avaient pas de revenus d’activité.
Demain , les familles vivant de revenus modestes sont les grandes gagnantes de la réforme. Le niveau de vie de ces familles se trouvera amélioré par la perception d’un montant doublé (conjoints) de la ressource de solidarité cumulable avec des revenus.
La famille nombreuse sans revenus d’activité. Perdante.
Aujourd’hui cette famille peut cumuler des aides sociales.
Demain , chacun des membres du couple toucheront la ressource de solidarité, laquelle se substituera à l’ensemble des aides sociales.
Il sera de la responsabilité des parents de travailler pour améliorer le niveau de vie de la famille.
La personne en situation de handicap. Gagnante.
Aujourd’hui , la personne en situation de handicap reçoit, de façon plus ou moins aléatoire, des aides de l’État, aides qu’elle peut perdre si elle reçoit un revenu, même modeste. La double peine.
Demain , cette personne recevra une ressource de solidarité renforcée. Cette aide sera cumulable avec d’éventuels revenus du travail.
Les retraités. Situation comparable.
Aujourd’hui , la personne retraitée reçoit une pension versée par un régime de base, complétée, le cas échéant, par un ou plusieurs pensions versées par des régimes professionnels.
Demain , les retraités percevront la ressource de solidarité majorée, à laquelle s’ajouteront des pensions versées par des régimes complémentaires.
La différence porte sur la nature des organismes en charge de la gestion des retraites.
Vous trouverez ces exemples détaillés ainsi que d’autres projections ici.
La conception et la mise en place d’un modèle social doivent obéir à des logiques pragmatiques, en aucun cas idéologiques. L’enjeu n’est autre que d’améliorer la protection de la population. L’État-prévoyance n’a d’intérêt que parce qu’il ferait mieux que l’État-providence.